Il n’existe pas, ou très peu, de répertoire chanté spécifique à la Presqu’île. Il s‘agit en fait de chants s’inscrivant dans le répertoire général francophone ; pour l’essentiel, le répertoire comprend des chants qu’on retrouve aussi dans les pays de Vilaine, en pays de Loudéac, etc., et dans de nombreuses régions hors Bretagne, voire dans tout l'espace francophone. On a recueilli bien sûr quelques compositions locales mais elles sont très peu nombreuses, essentiellement dans le répertoire de chansons à dizaine.
Citons tout de même le seul chant en breton jamais recueilli à l’est de la Vilaine. il a été collecté pour la première fois en 1872 par Pitre de Lisle du Dreneuc auprès d’une fillette de Keralan. Cette chanson, décrit les filles de cinq villages du pays paludier et serait une composition d’une femme de
Trégaté collectée par Hersart de La Villemarqué.
Quelques chants recueillis en Brière font mention du «belin», la barque locale utilisée pour le transport de la tourbe ; une autre emploie la ritournelle «Coupons les fifondes», nom local désignant une sorte de jonc. Mais il n’existe aucun répertoire spécifique au travail du sel ou même parlant du sel : les quelques versions collectées décrivant la vie des paludiers sont en fait des compositions récentes, dues pour la plupart au fameux curé de Saillé.
N’oublions cependant pas que la Presqu’île a été le dernier pays bretonnant de Loire Atlantique; les derniers bretonnants du Bourg de Batz sont en effet morts dans les années 1960-1970. Faut-il y voir une raison au fait que quelques timbres de grandes complaintes collectées dans ce secteur sont identiques à quelques gwerziou de Basse-Bretagne ? La question reste posée, mais les ressemblances sont parfois frappantes !
Existe-t-il un style de chant typique à la Presqu’île guérandaise ? Oui bien sûr pour le chant à danser ; on ne mène pas un rond paludier comme un rond de Saint-Vincent, même si les deux danses sont de la même famille. De même pour le bal paludier, ou bal rond, dont le tempo et l’accentuation font aussi la particularité dustyle guérandais.
La forme de chant habituellement pratiquée pour la danse est le chant à répondre sans tuilage mené par un soliste dans le rond et répondu par le chœur des danseurs. Ces rondes sont composées de deux motifs musicaux, couplet et refrain, qui devraient suivre, en principe, les deux parties de la danse : «l’en-dedans» (correspondant grosso modo au couplet) et «l’enlevée»(correspondant à la formule du refrain). On trouve deux formes distinctes d’articulation du chant: dans la première forme, le chanteur-meneur chante le premier motif musical, que le chœur reprend, ce qui accompagne la première partie de la danse, l’en-dedans. Le meneur chante ensuite le deuxième motif musical, sur les quatre premiers temps duquel les danseurs continuent l’en-dedans ; le meneur termine ce deuxième motif, que le chœur reprend entièrement, ce qui accompagne la deuxième partie de la danse, soit l’enlevée.
Le chant peut aussi être construit d’une deuxième façon : un premier motif musical, que le chœur reprend, puis une phrase chantée en solo, non reprise ; et enfin le deuxième motif musical, Dans ce cas, c’est la phrase chantée en solo, sur laquelle on exécute encore l’en-dedans, qui signale l’attaque de l’enlevée.
Ce mécanisme de chevauchement, qui existe pour le passage de l’en-dedans à l’enlevée ne semble pas être une règle absolue pour le passage de l’enlevée à l’en-dedans suivant. C’est le meneur qui donne le mouvement, et les danseurs savent réagir dès la première note. Par contre, ce chevauchement n’existe pas pour le bal qui est d’une construction plus régulière.