Déjà ouvert sur le monde par le commerce du sel, de la tourbe et par le nombre impressionnant de marins composant sa population, le pays est complètement bouleversé à partir du milieu du dix-neuvième siècle par la naissance et l’extension du port et des chantiers navals de Saint-Nazaire. L'implantation de nombreuses conserveries de poissons sur ses côtes a de même profondément modifié l’économie et la distribution du pouvoir entre les différentes communes côtières. Enfin, l'apparition d’un tourisme de luxe avec l'ouverture d'une ligne de chemin de fer et la naissance de la
station balnéaire de «La Baule » durant la seconde moitié du XIX° siècle est un des événements majeurs dans l'histoire de ce pays.
Tous ces brassages, ces bouleversements et mouvements de population n’ont pourtant jamais altéré le profond sentiment d'appartenance au terroir, toujours sensible à l'heure actuelle, ni fait perdre totalement le fil de transmission d’une culture de tradition orale d'une richesse peu commune. Si les pratiques musicales ou chantées tendent aujourd’hui à s’amoindrir dans les contextes familiale ou de la communauté villageoise, du fait de facteurs économiques et culturels auxquels la société contemporaine est soumise, elles sont toujours accessibles. Preuve en est de la multiplicité des collectes orales effectuées depuis le milieu du dix-neuvième siècle et qui se poursuivent encore aujourd‘hui.
C’est en effet en Presqu'île guérandaise que des collecteurs comme Armand Guéraud, Abel Soreau ou Gustave Clétiez au siècle dernier, ou plus récemment, Fernand Guériff, Gaston Le Floch, Francine Lancelot, Georges Paugam, Joseph Gervot, Raphaël Garcia, Roland Guillou et tant d'autres, ont pu faire d‘impressionnantes récoltes de chants. C’est dans les années 1990 que Roland Brou et Mathieu Hamon ont pu respectivement rencontrer et enregistrer Constance Crusson, originaire de Saint-Molf, et Eugénie Corbillé, de Crossac, qui, toutes deux leur ont chanté des dizaines d’airs à danser et de grandes complaintes du fonds ancien ; c’est dans le bassin de Batz que Jean Rivalant, ancien paludier a continué à mener au chant rondes et bals ronds, les deux danses de fonds ancien du pays ; c’est à Saint-Joachim que Félix Aoustin, ancien charpentier de marine et mémoire vivante des traditions briéronnes, n'a cessé de transmettre son savoir aux générations plus jeunes...
Nous avons voulu témoigner, dans cet article, de la richesse et de la vitalité des pratiques orales et musicales de la Presqu’île dans l’esprit et l’esthétique de la culture traditionnelle locale.